Recours au Tribunal Fédéral

 

 

Monsieur Christo IVANOV
21, Crêts-de-Champel
1206 Genève.
 

TRIBUNAL FEDERAL
Av. du Tribunal Fédéral
CP 1000
1005 Lausanne 14

 Genève, le 5 septembre 2001

 

 RECOURS DE DROIT PUBLIC

 pour

 

Monsieur Christo IVANOV, domicilié au 21 Crêts-de-Champel, 1206 Genève.

Recourant

 

 contre

 

 La loi n° 8438 en vue de l'achat de bâtiments et de terrains propriété de Battelle Memorial Institute at Columbus à Carouge, votée par le Grand Conseil Genevois 10 juin 2001 et publiée dans la Feuille d'Avis Officielle, le 18 mai 2001, et promulguée le 6 juillet 2001dans la Feuille d'Avis Officielle (Pièce n° 1).

 

 I. CONCLUSIONS

 

Le recourant conclut à ce qu'il

 

PLAISE AU TRIBUNAL FEDERAL

 

 

A la forme

 

1) Déclarer recevable le présent recours.

 

Au fond

 

Principalement

 

2) Annuler la loi n° 8438 en vue de l'achat de bâtiments et de terrains propriété de Battelle Memorial Institute at Columbus à Carouge, votée par le Grand Conseil Genevois le 10 juin 2001 et publiée dans la Feuille d'Avis Officielle, le 18 mai 2001, et promulguée le 6 juillet 2001 dans la Feuille d'Avis Officielle (Pièce n° 1).

 

3) Débouter la partie adverse de toute autre ou contraire conclusion.

 

4) Mettre l'ensemble des frais et émoluments à la charge de la partie adverse et allouer au recourant une indemnité pour les frais causés par le recours.

 

 Le recourant expose pour le surplus ce qui suit :

 

 II. EN FAIT

 

 1. Le 13 avril 1935, le "groupement populaire hors partie" a déposé un projet de loi constitutionnelle ayant pour but la limitation des dépenses de l'Etat. Initiative dite "initiative verte" (Pièce n° 2).

 

 2. Ce projet de loi constitutionnelle émanait de l'initiative populaire, pour la limitation des dépenses de l'Etat, et prévoyait que :

 

" Article 1. L'article 61 de la constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 est complété comme suit :

 

"Le Grand Conseil statue à la majorité des quatre cinquièmes des votants dans les cas suivants:

 

a) Vote d'un budget annuel en déficit;

b) Vote entraînant une dépense extraordinaire ou hors budget.

 

Cette disposition ne s'applique pas au vote d'un emprunt de conversion.

 

"Une dépense extraordinaire ou hors-budget ne peut être votée par le Grand Conseil qu'avec sa couverture financière si cette dépense excède 30 000 francs. La même disposition s'applique à un groupe de dépenses extraordinaires ou hors budget concernant un même objet et dont le total excède 30.000 Francs. "

 

Art. 2. L'article 3 de la loi constitutionnelle du 26 avril 1879 est complété comme suit :

 

" Le Grand Conseil prononce l'urgence à la majorité des quatre cinquièmes des votants en matière de dépenses de contributions, d'investissements de capitaux et d'emprunts non destinés à une conversion."

 

Art. 3. L'article 93 de la constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 est abrogé et remplacé par le suivant:

 

"Le Conseil d'Etat est responsable de ses actes.

"Chaque conseiller d'Etat est personnellement responsable des dépenses engagées par lui sans l'autorisation du Grand Conseil ou du Conseil général, sauf s'il s'agit du dépassement manifestement imprévisible d'un crédit régulièrement alloué.

"La même disposition s'applique dans le cas de dépenses résultant de l'affectation totale ou partielle d'un crédit à une autre destination que celle pour laquelle il a été régulièrement alloué.

"L'action en responsabilité appartient au Conseil d'Etat, au Grand Conseil ou au Conseil général.

"La loi règle ce qui concerne la responsabilité du Conseil d'Etat sur les points non fixés par le présent article."

 

Art. 4 Sont abrogées toutes dispositions constitutionnelles ou législatives contraires à la présente loi constitutionnelle.

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1935, p. 841)

 

 3. Le 14 mars 1936, Monsieur Frédéric Martin, député, membre de la commission chargée d'examiner le projet de loi constitutionnelle précité a déclaré :

 

"En ce qui me concerne, je suis adversaire de l'initiative, par conséquent, j'en parle d'une façon tout à fait impartiale. …

Lors de sa première séance, la commission, à peu près unanime, était adversaire du projet, mais avant de prendre une décision définitive et surtout avant de se déterminer au sujet d'un contre-projet, elle a demandé au Conseil d'Etat de lui donner son avis.

Pour ma part, j'ai reçu des déclarations venant des auteurs du projet ; ils se rendent compte de ce qu'ils ont été trop loin en proposant des choses inacceptables. Ils seraient prêts - j'en suis persuadé - à réduire leurs propositions à des proportions sur lesquelles nous pourrions peut-être- je ne dis pas cela d'une façon certaine - faire une majorité au Grand Conseil. Il me semble que ce serait là une excellente occasion de montrer au peuple que lorsque des citoyens demandent, par voie d'initiative, que le Grand Conseil prenne des mesures pour empêcher les dépenses d'aller toujours en augmentant, pour que les votes du Grand Conseil dans les questions budgétaires et les questions de dépenses extraordinaires soient limités, on prenne des mesures et examine celles qui sont adéquates pour remédier à la situation.

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p 470, pièce n° 1)

 

 

4. Le 1 juillet 1936, Monsieur Guinand, rapporteur de la majorité de la commission chargé d'examiner le projet de loi constitutionnelle émané de l'initiative populaire du 13 avril 1935, a déclaré :

 

"La commission que vous avez chargée d'examiner l'initiative dite verte, s'est réunie plusieurs fois.

….

L'étude de cette initiative a démontré que si elle partait d'un bon principe, le texte proposé par les initiants n'était pas acceptable dans sa forme primitive.

 

En effet, les majorités qualifiées requises pour certains votes auraient comme résultat unique de paralyser le travail législatif et donner la possibilité à des minorités de décider souverainement en matière financière. En revanche, nous sommes dans l'obligation de constater que, par le jeu du règlement actuel, les dépenses de l'Etat s'augmentent de jour en jour sans contre-partie. En effet, on a pris l'habitude, depuis de nombreuses années, au lieu de présenter, au moment du budget, l'ensemble des dépenses qui doivent se faire en cours d'exercice, de les présenter à chaque session sans s'occuper de savoir si une couverture financière sera assurée à ces dépenses. La dette de l'Etat de Genève s'est donc augmentée en quelques années dans des proportions formidables,

….

Dans ces conditions, nous ne pouvons pas laisser passer cette proposition sans retenir ce qu'elle a de bon.

Nous n'avons pas voulu restreindre l'initiative des députés, mais simplement obliger tout député qui fait une proposition de dépense, à faire, en contre-partie, une proposition de recette en excluant l'emprunt.

 

Il est absolument nécessaire que l'Etat ne continue pas à dépenser en augmentant sans cesse sa dette. On peut remarquer que le Grand Conseil vote très fréquemment des projets prévoyant des dépenses nouvelles, sans aucune contre-partie.

 

C'est pourquoi, nous avons cru bon d'obliger le gouvernement à prévoir des recettes correspondantes lorsqu'il présente un projet de dépense. Il y a cependant quelques dépenses de minime importance qui sont urgentes, jamais elles ne dépassent 30'000 francs. C'est pourquoi on a admis la possibilité de proposer de telles dépenses sans couvertures financières si elles n'excèdent pas 30'000 francs. Il est bien entendu que cette disposition ne doit pas servir à permettre de proposer une dépense sans couverture en la fractionnant en plusieurs petites de moins de 30 000 francs.

 

Enfin, le dernier résultat à obtenir est d'empêcher que la clause d'urgence atteigne tout projet de loi créant un impôt nouveau. Ainsi, on en arrive obligatoirement à soumettre, par le jeu même du contre-projet qui vous est présenté tous les projets de loi créant une dépense nouvelle au référendum facultatif, c'est-à-dire qu'ils sont soumis au peuple si un référendum est lancé.

 

Les nouvelles règles que nous vous proposons en matière de dépenses ne restreignent en rien les prérogatives des députés, elles les obligent simplement à prendre leurs responsabilités. Ces règles sont du reste déjà en vigueur en Angleterre, pays dans lequel le parlementarisme est développé plus que partout ailleurs et dure depuis le plus longtemps. Ces dispositions, qui ont eu d'excellents résultats dans d'autres pays parlementaires, pourront amener justement une réforme du système des dépenses sans contre-partie et éviter l'endettement.

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, page 890).

 

 

5. Le même jour, soit le 1 juillet 1936 et sur le même sujet, Monsieur Favez, rapporteur de la minorité du Grand Conseil a déclaré :

 

"La minorité de la commission fait siennes les observations figurant au rapport de la majorité concluant au rejet de l'initiative … par le groupe Besson.

Cette initiative est irréalisable; la notion de la majorité qu'elle veut fixer aux quatre cinquièmes est ridicule. Cet article suffit pour écarter délibérément l'initiative qui est soumise aux délibérations du Grand Conseil.

 

Sur le Contre-Projet.

 

Pour ne pas déplaire aux initiants, qui n'ont cependant pas ménagé dans la presse leurs critiques acerbes à l'endroit du parlementarisme en général et de notre Grand Conseil en particulier, la majorité de la commission a cru devoir opposer un contre-projet à l'initiative enterrée d'avance par le peuple.

La majorité de la commission prétend dans son rapport que ce projet ne restreint en rien les prérogatives des députés. Il suffit d'étudier les articles 1 et 2 pour se convaincre, au contraire, que le dit contre-projet est néfaste puisqu'il aliène les droits des élus du peuple. Ce n'est ni plus ni moins qu'une muselière que la majorité se propose d'appliquer aujourd'hui à ce Grand Conseil.

….

Messieurs les députés, nous avons la certitude que si vous l'acceptiez, et le peuple après vous, tôt ou tard cette loi devrait être modifiée. Dès lors, pourquoi compliquer davantage encore la tâche du Grand Conseil. Les difficultés que rencontrent chaque jour nos autorités ne suffisent-elles pas ?"

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936 p. 893)

 

 

6. Le 1 juillet 1936, le député François Perréard, Conseiller d'Etat de 1936 à 1957 au département des finances, membre de la commission chargée d'examiner ce projet de loi constitutionnelle, a déclaré :

 

" Le projet d'initiative déposé par les initiants, dite initiative verte, a le mérite de poser sur le terrain cantonal tout le problème financier qui nous préoccupe que nous avons employé depuis une vingtaine d'années.

 

…, rendre les conseillers d'Etat responsables personnellement de tout dépassement de crédit, ce serait rendre difficile le recrutement des magistrats et même des personnes insolvables à briguer des fonctions.

 

C'est pour ce motif qu'à l'unanimité la commission a repoussé l'initiative. Par contre, la majorité de la commission a considéré qu'il y avait quelque chose de juste dans les propositions des initiants.

 

…qu'à l'heure actuelle déjà nous sommes engagés sur une pente qui nous conduira, si l'on ne prend pas promptement les mesures indispensables, à la faillite, à la banqueroute.

Et bien, je dis: Non. Je prétends que le contre-projet ne restreint en rien l'initiative du Parlement en matière législative. Les députés resteront entièrement libres de présenter des projets de loi à l'approbation de cette assemblée; mais dans les circonstances présentes, alors que nous ne savons pas comment il sera possible de financer des projets entraînant des dépenses nouvelles, j'estime que le devoir de tout député qui prend la responsabilité de proposer un projet dont l'adoption implique une dépense supplémentaire, est de proposer en même temps des mesures propres à assurer une recette correspective…

 

C'est, d'ailleurs ce que nous avons eu le courage de faire dans l'affaire Aire-Drize évoquée tout à l'heure par l'honorable rapporteur de la minorité et, ce faisant, nous avons procédé selon un principe absolument normal et correct du point de vue parlementaire.

Le Conseil proposait pour ces travaux une dépense considérable, le Grand Conseil l'a suivi, mais en votant pour couvrir celle-ci, des centimes additionnels correspondants. Au reste, la loi a fait l'objet d'un référendum, elle a été soumise au peuple qui l'a approuvée, acceptant ainsi cette charge nouvelle. Tout s'est passé d'une façon régulière en conformité de nos traditions démocratiques, le peuple ayant été appelé à se prononcer et l'ayant fait en pleine connaissance de cause. Ce que nous voulons, par ce contre-projet, ce n'est pas créer une loi occasionnelle, exposée peut-être au même reproche fait à la loi Lacroix que nous avons dû abroger par la suite, c'est au contraire, d'une manière claire et précise, définir les compétences respectives du Conseil d'Etat, du Grand Conseil et du corps électoral. Nous disons que c'est au Conseil d'Etat, mieux placé que nous pour apprécier les possibilités de recettes, qu'il appartient de nous proposer sous sa propre responsabilité le montant maximum des dépenses, à inscrire au budget. Nous disons encore que le Grand Conseil ne pourra plus augmenter ce chiffre total des dépenses de l'Etat, il ne pourra plus que le réduire, ce qui sera d'ailleurs absolument conforme à son rôle de contrôleur de la gestion financière, ou de procéder à un aménagement différent des dépenses proposées et de voter des recettes supplémentaires correspondantes, qui seraient des impôts nouveaux. Et je ne vois pas en quoi, en examinant les choses sous cet angle, en quoi ce mode de faire violerait des règles du parlement et de la démocratie. Il y a plus. Puisque nous demandons que le Grand Conseil ne fasse pas usage de la clause en matière d'impôts nouveaux, nous disons et nous voulons que le peuple soit admis à se prononcer en pleine liberté et en toute connaissance de cause, tant sur les dépenses nouvelles proposées par le Conseil d'Etat et acceptées par le Grand Conseil que sur les mesures destinées à en assurer la couverture. Nous respectons donc absolument les règles du libre jeu de la démocratie, nous rendons, nous laissons à chaque autorité l'exercice du pouvoir qui lui revient normalement.

….

Le projet de loi qui sera voté permettra d'agir efficacement et énergiquement pour la restauration économique et financière de notre canton. C'est la première mesure à prendre pour nous protéger contre les inconvénients du système actuel et si, elle n'est pas prise, je mets n'importe quel gouvernement au défi de redresser nos finances."

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p. 895)

 

7. Pour sa part, Monsieur Léon Nicole, président du Conseil d'Etat genevois a, concernant le projet de loi constitutionnelle, déclaré :

 

… le contre-projet présenté par la commission leur portera un préjudice certain. C'est une entrave que l'on met au pouvoir législatif quand on déclare qu'une dépense de plus de 30.000 francs ne pourra pas être votée sans prévision de recettes correspondantes, comme lorsqu'on stipule qu'en cas de dépassement budgétaire, le Grand Conseil doit immédiatement voter une couverture financière. Tout cela - nous le répétons- est une entrave au travail législatif et ne peut que porter le plus grave préjudice à une saine administration de la chose publique.

 

(Pièce n°2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p. 898)

8. Le 1 juillet 1936, le Grand Conseil genevois a pris l'arrêté législatif suivant :

 

" ARRÊTE LEGISLATIF

rejetant le projet de loi constitutionnelle émané de l'initiative populaire dite verte pour la limitation des dépenses de l'Etat.

 

LE GRAND CONSEIL,

 

vu la demande de l'initiative populaire déposée à la chancellerie d'Etat le 13 avril 1935;

sur la proposition de la commision;

 

ARRÊTE EN CE QUI LE CONCERNE:

 

De rejeter le projet de loi constitutionnelle émané de l'initiative populaire du 13 avril 1935 pour la limitation des dépenses de l'Etat.

 

CONTRE-PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

pour la limitation des dépenses de l'Etat.

 

LE GRAND CONSEIL,

 

vu son arrêté législatif du 1er juillet 1936 rejetant, en ce qui le concerne, le projet de loi constitutionnelle émané de l'initiative dite verte du 13 avril 1935;

sur la proposition de la commission;

 

DECRETE LE CONTRE-PROJET QUI SUIT:

 

Pour être soumis à la votation populaire.

 

Article premier.

 

Il est introduit dans la Constitution du 24 mai 1847 les articles suivants:

 

Article 61 bis.- En votant le budget annuel, le Grand Conseil ne peut pas dépasser la somme totale des dépenses fixées par le Conseil d'Etat sans prévoir concurremment la couverture financière de ce dépassement. L'emprunt ne peut être considéré comme une couverture financière.

 

Article 61 ter.- Lorsqu'un député dépose un projet de loi ou d'arrêté législatif comportant une dépense nouvelle, ce projet doit prévoir la couverture financière de cette dépense par une recette correspondante qui ne peut être un emprunt.

Tout projet de loi ou d'arrêté législatif présenté par le Conseil d'Etat qui comporte une dépense hors budget ou budgétaire nouvelle doit prévoir une recette correspondante si cette dépense excède 30.000 francs. L'emprunt ne peut être considéré comme recette au sens de la présente loi. La même disposition s'applique à un groupe de dépenses concernant un même objet dont le total excède 30.000 francs.

 

Article 61 quater.- Le Grand Conseil ne peut voter une dépense extraordinaire ou hors budget qu'avec sa couverture financière, si cette dépense excède 30.000 francs. La même disposition s'applique à un groupe de dépenses extraordinaires ou hors-budget concernant un même objet dont le total excède 30.000 francs. L'emprunt ne peut, en aucun cas, être considéré comme une couverture financière.

 

Article 61 quinquies.- Les lois et arrêtés législatifs établissant un impôt nouveau ou l'augmentation d'un impôt déjà existant ne peuvent être munis de la clause d'urgence, c'est-à-dire soustraits au référendum facultatif.

 

Article 2.

 

Sont abrogées toutes les dispositions constitutionnelles ou législatives contraires à la présente loi constitutionnelle.

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p. 891)

 

 

9. Le 1 juillet 1936, le Grand Conseil Genevois a adopté le contre-projet présenté par la commission chargée d'examiner l'initiative populaire du 13 avril 1935 pour la limitation des dépenses de l'Etat.

 

 

10. Le peuple genevois a ratifié ledit contre-projet en juin 1937.

 

 

11. Le 13 septembre 1985, le Grand Conseil genevois a étudié une modification des articles constitutionnels approuvés en juin 1937.

 

 

12. La commission chargée d'étudier ladite modification a mis en exergue que :

 

" 7.2. Problèmes de terminologie

 

Les articles 96, alinéa 2 et 97, alinéa 1, emploient les termes de dépense hors budget, dépense budgétaire nouvelle ou dépense extraordinaire, dans un sens correspondant à la notion de dépense nouvelle, telle qu'elle a été définie par la jurisprudence et telle qu'elle est reprise dans le modèle de comptes utilisé aujourd'hui pour la présentation du budget.

La franchise de 30'000 francs en faveur du Conseil d'Etat n'était conçue, selon les termes du rapporteur, que comme une soupape de sécurité, permettant au gouvernement de proposer "quelques dépenses de minime importance qui sont urgentes", sans couverture financière.

 

Dans ce contexte, on voit bien qu'en admettant aujourd'hui une franchise de 60 000 francs en faveur de tout député et pour tout projet quelconque, on affaiblirait gravement l'un des freins aux dépenses qui, introduits il y a une cinquantaine d'années, constituent un ensemble cohérent et n'ont perdu de leur utilité.

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1985, p. 4571)

 

13. Suite aux travaux de la commission, les articles 96 et 97 de la Constitution genevoise sont, le 8 mars 1986, entrés en vigueur sous la forme suivante :

 

"Art. 96 Dépense nouvelle

 

1. Lorsqu'un député dépose un projet de loi comptant une dépense nouvelle, ce projet doit prévoir la couverture financière de cette dépense par une recette correspondante.

 

2. Tout projet de loi présenté par le Conseil d'Etat qui comporte une dépense nouvelle doit prévoir une recette correspondante si cette dépense excède 60 000 F. La même disposition s'applique à un groupe de dépense concernant un même objet dont le total excède 60 000 F.

 

3. L'emprunt ne peut être considéré comme recette au sens du présent article.

 

Art. 97 Couverture financière

 

1.Le Grand Conseil ne peut voter une dépense nouvelle qu'avec sa couverture financière, si cette dépense excède 60 000 F. La même disposition s'applique à un groupe de dépenses nouvelles concernant un même objet dont le total excède 60 000 F.

 

2. L'emprunt ne peut en aucun cas être considéré comme une couverture financière.

 

 

14. Monsieur Ivanov Christo est un citoyen genevois domicilié au 21 Crêts-de-Champel, 1206 Genève (pièce n° 3).

 

 

15. Le 22 juin 1992, l'Association hors-partis politiques "Halte aux déficits " a été constituée.

 

 

16. Cette association s'est donnée comme but de promouvoir la gestion rationnelle de l'Etat de Genève et des organismes en dépendant, ainsi que d'assurer la défense politique et économique des contribuables du canton.

 

 

17. Monsieur Ivanov Christo est le président de l'association "Halte aux Déficits".

 

 

18. Le 14 mars 1999, lors d'une entrevue accordée au Comité Halte au Déficit le Conseil d'Etat, représenté par les Conseillers d'Etat Brunschwig Graf, Calmy-Rey et Segond, s'est engagé à ne pas mettre en vigueur des lois, même approuvées par le Grand Conseil, si elles ne respectaient pas la Constitution genevoise.

 

 

19. Le 10 mai 2001, le Grand Conseil de la République et Canton de Genève a approuvé la loi 8438 en vue de l'achat de bâtiments et de terrains

propriétés de Battelle Memorial Institute at Columbus à Carouge (pièce n° 3).

 

 

20. Par un courrier daté du 13 juin 2001, le Conseil d'Etat de la République et du canton de Genève a répondu au Comité Halte aux Déficits

 

"Nous accusons bonne réception de votre courrier du 31 mai dernier, dont le contenu n'a pas manqué de nous étonner.

 

En effet, nous ne voyons pas en quoi la loi n° 8438 du 10 mai 2001 serait entachée d'inconstitutionnalité. Votre courrier n'est d'ailleurs guère explicite à cet égard.

 

Quant au financement, nous pensons utile d'attirer votre attention sur l'article 4 alinéa 2 de la loi en question, qui a précisément pour objet d'autoriser le Conseil d'Etat à emprunter en 2001 la somme de F 62'835'000 en complément de l'autorisation d'emprunt fixée par la loi budgétaire 2001.

 

Rien ne paraît donc s'opposer à la promulgation de la loi 8438 à l'échéance du délai référendaire."

 

(Pièce n° 4)

 

 

21. La loi 8438 a été publiée dans la Feuille d'Avis Officielle du canton de Genève le 18 mai 2001 (pièce n° 3).

 

 

22. L'article 4 de la loi 8438 intitulé "Financement et couverture des charges financières" prévoit que :

 

"Le financement de ce crédit est assuré, au besoin, par le recours à l'emprunt, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.

 

En complément à l'autorisation d'emprunt figurant au Chapitre V à l'article 13 de la loi du 15 décembre 2000 établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'année 2001, le Conseil d'Etat est autorisé à emprunter en 2001 la somme de 62'835'000 F relative à la part du crédit susmentionné non couverte par la loi budgétaire 2001.

 

L'article 6 de la loi 8438 intitulé "Autorisation d'emprunt" dispose que :

 

Le Conseil d'Etat est autorisé à contracter des emprunts, au nom de l'Etat de Genève, pour une somme pouvant atteindre 19 165 000 F, aux conditions du marché les plus avantageuses.

 

L'article 8 de la loi 8438 intitulé "Autorisation d'emprunt " dispose que :

 

Le Conseil d'Etat est autorisé à contracter des emprunts, au nom de l'Etat de Genève, pour une somme pouvant atteindre 8 000 000 F, aux conditions du marché les plus avantageuses."

 

(Pièce n° 3)

 

23. Sous titre III "Compte de fonctionnement", l'article 10 de la loi 8438 intitulé "Moins-value sur les frais d'études, travaux d'infrastructures et frais divers" stipule que :

 

 1. La cession de tout ou partie des frais d'études, travaux d'infrastructures et frais divers donne lieu à une moins-value comptable au maximum de 8 000 000 F résultant de la différence entre la valeur comptable et de cession.

 

2. Cette moins-value sera inscrite en tant que charge, au compte de fonctionnement.

 

(Pièce N° 3).

 

 

24. L'article 11 de la loi 8438 intitulé "Intérêts et frais d'emprunts" stipule que :

 

"Le complément d'emprunt sous titre I, article 4, alinéa 2, ainsi que les lois d'emprunts mentionnées sous titre II, articles 6 et 8, généreront un montant global supplémentaire d'intérêts et de frais d'emprunts estimé à 2 700 000 F pour le budget 2001."

 

(Pièce N° 3)

 

 25. L'article 12 de la loi 8438 dispose que :

 

"La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat du 7 octobre 1993."

 

(pièce n° 3).

 

26. Le délai de référendum a expiré le 27 juin 2001 (pièce n° 3).

 

27. Aucun référendum n'a été demandé.

 

 

28. En date du 4 juillet 2001, le Conseil d'Etat du canton de Genève a promulgué la loi pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de la publication (pièce n° 3).

 

 29. L'arrêté relatif à la promulgation a été publié dans la Feuille d'Avis Officielle du canton de Genève le 6 juillet 2001(pièce n° 3).

III. EN DROIT

 

A. A la forme

 

1. Délais.

 

En droit genevois, le délai prévu à l'art. 89 OJ pour déposer un recours de droit public contre une loi cantonale ou un arrêté cantonal de portée générale commence à courir dès la publication, dans la Feuille d'avis officielle, de la promulgation de ce texte légal ou réglementaire (ATF 108 Ia 129).

 
Le délai référendaire de la loi 8438 a expiré le 27 juin 2001. Elle a été promulguée, dans la feuille Officielle, le vendredi 6 juillet 2001.

 

Selon l'article 34 alinéa 1 lit. b. OJ les délais fixés par la loi ou par le juge ne courent pas du 15 juillet au 15 août inclusivement.

 

En conséquence, le délai pour interjeter recours contre la loi 8438 échoit le 6 septembre 2001.

 

Déposé en date du 5 septembre 2001, par devant le Haut Tribunal Fédéral, le présent recours de droit public est interjeté dans le délai des articles 89, alinéa 1 et 34 alinéa 1 lettre B OJ.

 

 

2. Epuisement des moyens de droit.

 

La seule voie judiciaire ouverte pour contester la constitutionnalité d'une loi cantonale genevoise est d'interjeter recours auprès du Tribunal Fédéral.

 

Le présent recours respecte l'article 86, alinéa 1 OJ.

 

 

3. Qualité pour agir.

 

3.1 Au sens des articles 85 alinéa 1 lit a. et 88 OJ.

 

Monsieur Ivanov se plaint que la loi 8438 viole l'article 97 Constitution genevoise (ci-après "Cst. Ge.").

 

Or, l'article 97 Cst. Ge donne aux citoyens genevois des prérogatives politiques qui ouvrent, en cas d'atteinte à ces droits, la voie du recours de droit public.

En effet, il est indubitable à la lecture du mémorial de 1935 et 1936 du Grand Conseil genevois, que le groupement des citoyens hors-partis, à la base de l'initiative, dont est issu l'article 97 Cst. Ge., et le Grand-Conseil ont voulu accorder, par l'adoption de cet article, à tout citoyen genevois des prérogatives directes d'ordre constitutionnel.

 

Le Grand Conseil de 1936 a commencé par reconnaître qu'il était nécessaire d'empêcher que l'Etat de Genève s'endette hors de toute proportion.

 

Monsieur Guinand, rapporteur pour la majorité de la commission chargée d'examiner le projet de loi émanant de l'initiative populaire du 13 avril 1935 (initiative verte) pour la limitation des dépenses de l'Etat a ainsi déclaré :

 

"En revanche, nous sommes dans l'obligation de constater que, par le jeu du règlement actuel, les dépenses de l'Etat s'augmentent de jour en jour sans contre-partie. En effet, on a pris l'habitude, depuis de nombreuses années, au lieu de présenter, au moment du budget, l'ensemble des dépenses qui doivent se faire en cours d'exercice, de les présenter à chaque session sans s'occuper de savoir si une couverture financière sera assurée à ces dépenses. La dette de l'Etat de Genève s'est donc augmentée en quelques années dans des proportions formidables,

 

Il est absolument nécessaire que l'Etat ne continue pas à dépenser en augmentant sans cesse sa dette. On peut remarquer que le Grand Conseil vote très fréquemment des projets prévoyant des dépenses nouvelles, sans aucune contre-partie.

 

Ces dispositions, qui ont eu d'excellents résultats dans d'autres pays parlementaires, pourront amener justement une réforme du système des dépenses sans contre-partie et éviter l'endettement."

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil, p. 470).

 

Au demeurant, il est frappant de constater que cette volonté de freiner les dépenses de l'Etat n'a, pour le Grand Conseil genevois, rien perdu de son actualité.

 

En effet, ce même parlement a déclaré, en 1985, que :

 

"Dans ce contexte, on voit bien qu'en admettant aujourd'hui une franchise de 60 000 francs en faveur de tout député et pour tout projet quelconque, on affaiblirait gravement l'un des freins aux dépenses qui, introduits il y a une cinquantaine d'années, constituent un ensemble cohérent et n'ont rien perdu de leur utilité."

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1985, p. 4572)

 

 

Une fois que le Grand-Conseil a admis qu'il était nécessaire que l'endettement du canton de Genève soit maîtrisé, il a également concédé que les citoyens genevois avaient le droit de participer audit contrôle.

 

Dit autrement, le Grand-Conseil a admis, certains de ses membres regrettés, que l'article 97 Cst. Ge. donne aux citoyens des prérogatives de niveau constitutionnel, les autorisant à se plaindre directement par le biais d'un recours de droit public de ce que des arrêtés législatifs ou décisions ne respectent pas les droits accordés par cette nouvelle norme.

 

En effet, la genèse de cette norme constitutionnelle démontre qu'elle découle, on l'a vu, du dépôt, en avril 1935, d'une initiative constitutionnelle intitulée "pour la limitation des dépenses de l'Etat" déposée par le groupement populaire hors-partis.

 

Or, il est certain que ce groupement populaire n'avait pas confiance dans le parlement et préférait de loin la démocratie directe.

 

Il suffit pour s'en convaincre de constater que cette association a proposé, par son initiative, un système de majorité permettant à quelques députés de bloquer des projets qui pouvaient amener l'Etat de Genève à prévoir des dépenses nouvelles sans recettes nouvelles (cf article 1 de l'initiative).

 

Cette méfiance envers les autorités était si grande, que ce groupement de citoyens hors-partis n'a pas hésité à essayer d'instituer une responsabilité personnelle des Conseillers d'Etat qui auraient violés les articles constitutionnels (cf. article 3 de l'initiative).

 

Le rapporteur de la minorité de l'époque, Monsieur Favez, ne s'y est d'ailleurs pas trompé en ne manquant pas de relever, en se référant aux initiants :

 

"Pour ne pas déplaire aux initiants, qui n'ont cependant pas ménagé dans la presse leurs critiques acerbes à l'endroit du parlementarisme en général et de notre Grand Conseil en particulier, la majorité de la commission a cru devoir opposer un contre-projet à l'initiative enterrée d'avance par le peuple. "

 

(Pièce n° 2, mémorial du Grand conseil 1936, p. 893)

 

 

Au vu de ce qui précède, il paraît inconcevable qu'on puisse soutenir de bonne foi que le groupement populaire hors-parti n'ait voulu introduire, par le biais de l'initiative, que de simples normes organisationnelles.

 

Au contraire, il est certain que cette association était farouchement jalouse des prérogatives offertes par la démocratie directe et voulait au contraire étoffer le catalogue des droits des citoyens genevois en diminuant les compétences du Grand Conseil genevois en matière de dépenses.

 

Le but final de la volonté de cette association par l'adoption de cette initiative, était clairement de permettre à tout citoyen genevois de s'opposer directement aux décisions ou arrêtés pris par le Grand Conseil dans le domaine des dépenses en violation de la Constitution genevoise.

 

Le Grand Conseil genevois de l'époque a, pour sa part, après avoir rejeté l'initiative populaire, pour des raisons essentiellement dues à des règles de majorité irréalisables, proposé les articles 61bis à 61quinquies Cst. Ge., devenus aujourd'hui, notamment les articles 96 et 97 Cst. Ge.

 

Le Grand Conseil a cependant également reconnu, en adoptant l'article 97 Cst. Ge, que celui-ci donnait aux citoyens genevois le droit à ce qu'une nouvelle dépense hors budget et dépassant les Frs 60'000.-, ne soit votée qu'avec une couverture financière constituée par une recette nouvelle.

 

Monsieur Guinand, rapporteur pour la majorité de la commission chargée d'examiner le projet de loi émanant de l'initiative populaire du 13 avril 1935 (initiative verte) pour la limitation des dépenses de l'Etat a ainsi déclaré :

 

"…Enfin, le dernier résultat à obtenir est d'empêcher que la clause d'urgence atteigne tout projet de loi créant un impôt nouveau. Ainsi, on en arrive obligatoirement à soumettre, par le jeu même du contre-projet qui vous est présenté tous les projets de loi créant une dépense nouvelle au référendum facultatif, c'est-à-dire qu'ils sont soumis au peuple si un référendum est lancé."

 

(Pièce n° 2, mémorial du Grand Conseil. p. 890)

 

 

Lors du même débat, le député Perréard, qui accédera au poste de Conseiller d'Etat chargé des finances en automne 1936, a quant à lui déclaré :

 

"Ce que nous voulons, par ce contre-projet, ce n'est pas créer une loi occasionnelle, exposée peut-être au même reproche fait à la loi Lacroix que nous avons dû abroger par la suite, c'est au contraire, d'une manière claire et précise, définir les compétences respectives du Conseil d'Etat, du Grand Conseil et du corps électoral.

Il y a plus. Puisque nous demandons que le Grand Conseil ne fasse pas usage de la clause en matière d'impôts nouveaux, nous disons et nous voulons que le peuple soit admis à se prononcer en pleine liberté et en toute connaissance de cause, tant sur les dépenses nouvelles proposées par le Conseil d'Etat et acceptées par le Grand Conseil que sur les mesures destinées à en assurer la couverture. Nous respectons donc absolument les règles du libre jeu de la démocratie, nous rendons, nous laissons à chaque autorité l'exercice du pouvoir qui lui revient normalement."

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p. 895)

 

 

Ainsi, le peuple genevois, par le biais du référendum, a la possibilité de ratifier par le biais du référendum, chaque projet de dépense nouvelle de plus de

Frs 60'000.- et sa répercussion financière par l'adoption de la couverture financière y relative.

 

Au vu de ce qui précède, il est indubitable que la majorité du Grand Conseil de l'époque a voté cet article en reconnaissant qu'il offrait au peuple genevois le droit constitutionnel d'exiger que chaque projet de loi prévoyant une dépense nouvelle soit accompagné par une recette correspondante.

 

Dès lors et a contrario, les citoyens genevois ont, en cas de décisions ou d'arrêtés ne respectant pas l'article 97 Cst. Ge., le droit inaliénable de se plaindre directement du caractère anticonstitutionnel de tels décisions ou arrêtés.

 

Quant à l'opposition de l'époque, elle a également reconnu, bien malgré elle, que ce nouvel article constitutionnel donnait des droits aux citoyens genevois.

 

En effet, Monsieur Favez, rapporteur de la minorité a déclaré :

 

" …

Il suffit d'étudier les articles 1 et 2 pour se convaincre, au contraire, que le dit contre-projet est néfaste puisqu'il aliène les droits des élus du peuple. Ce n'est ni plus ni moins qu'une muselière que la majorité se propose d'appliquer aujourd'hui à ce Grand Conseil."

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p. 893)

 

 

Au vu de ce qui précède, force est de constater que, selon l'opposition de l'époque, l'article 97 Cst Ge. du contre-projet toujours en vigueur à l'heure actuelle, restreignait fortement les droits des parlementaires et que, dès lors, accorde, logiquement et par effet de symétrie, aux citoyens genevois des droits protégés constitutionnellement à ce qu'ils puissent dire le dernier mot sur les dépenses envisagées et les recettes correspondantes.

 

Finalement, le préavis technique de la direction générale des finances de l'Etat, qui fait partie intégrante du projet de loi 8438 est basé sur les articles 54, 56, 80, 81, 82, 83, 96 et 97 de la Constitution genevoise.

 

Or, les articles 54 et 56 fondent le droit constitutionnel au référendum financier, les articles 80 et suivants autorisent le Grand Conseil à voter, notamment, les impôts, décréter des dépenses, et les articles 96 et 97, on l'a vu, obligent le Conseil d'Etat à prévoir des nouvelles recettes en cas de dépenses nouvelles et le Grand Conseil à ne voter des dépenses nouvelles que si des recettes nouvelles y sont prévues.

 

Ainsi, il convient d'admettre, à la lecture de ce document, que si l'article 97 Cst. Ge. est présenté au même niveau que des normes fondant le droit constitutionnel au référendum, notamment financier, il ouvre, en cas de violation des prérogatives données par ledit article, et cela à l'égal d'une norme instituant un droit politique, le recours de droit public.

 

En conclusion, force est de reconnaître, que par le biais de l'article 97, la Constitution genevoise accorde un véritable droit constitutionnel à tout citoyen genevois à ce que toutes nouvelles dépenses hors budget soient présentées avec une couverture suffisante afin de lui permettre d'accepter tant les dépenses nouvelles que les couvertures y relatives.

 

En conséquence tout citoyen genevois détenteur de ces prérogatives a la qualité juridique pour se plaindre directement, par le biais d'un recours de droit public, d'une loi qui viole l'article 97 Cst. Ge.

 

Car, lors d'une violation de cette norme par les autorités, chaque citoyen genevois est touché directement dans ses intérêts juridiques propres.

 

Monsieur IVANOV a donc la qualité pour interjeter un recours de droit public portant sur la violation de l'article 97 Cst. Ge.

 

 

3.2. Au sens des articles 85 lit a. et 88 O.J.

 

Monsieur IVANOV se plaint également que la loi 8438 viole gravement et indiscutablement ses droits politiques reconnus par la Constitution genevoise dans la mesure où elle viole son droit au référendum facultatif reconnu et protégé par l'article 53 Cst Ge.

 

Il en découle, que Monsieur IVANOV, qui possède la qualité de citoyen genevois, a la qualité pour agir au sens des articles 85 lettre a et 88 OJ.

 

 

IV. Au fond.

 

Violation de l'article 97 de la Constitution Genevoise

 

Rappelons que l'article 96 de la Cst.Ge. stipule, sous l'intitulé "dépense nouvelle ", que :

 

1. Lorsqu'un député dépose un projet de loi comptant une dépense nouvelle, ce projet doit prévoir la couverture financière de cette dépense par une recette correspondante.

 

2. Tout projet de loi présenté par le Conseil d'Etat qui comporte une dépense nouvelle doit prévoir une recette correspondante si cette dépense excède 60 000 F. La même disposition s'applique à un groupe de dépense concernant un même objet dont le total excède 60 000 F.

 

3. L'emprunt ne peut être considéré comme recette au sens du présent article.

 

Pour sa part, l'article 97 Cst Ge, prévoit, sous l'intitulé "couverture financière", que :

 

1. Le Grand Conseil ne peut voter une dépense nouvelle qu'avec sa couverture financière, si cette dépense excède 60 000 F. La même disposition s'applique à un groupe à un groupe de dépenses nouvelles concernant un même objet dont le total excède 60 000 F.

 

2.L'emprunt ne peut en aucun cas être considéré comme une couverture financière.

 

 

Quant à la loi 8438, elle dispose, selon ses articles 4, 6, 8, 10, 11 qui concernent les autorisations d'emprunts, les couvertures des charges financières et les intérêts et frais d'emprunt de l'achat des bâtiments et terrains de Batelle Memorial Institute at Columbus à Carouge, que :

 

Article 4 : Financement et couverture des charges financières.

 

Le financement de ce crédit est assuré, au besoin, par le recours à l'emprunt, dont les charges financières en intérêts et en amortissement sont à couvrir par l'impôt.

 

En complément à l'autorisation d'emprunt figurant au Chapitre V à l'article 13 de la loi du 15 décembre 2000 établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'année 2001, le Conseil d'Etat est autorisé à emprunter en 2001 la somme de 62'835'000 F relative à la part du crédit susmentionné non couverte par la loi budgétaire 2001.

 

Article 6 : Autorisation d'emprunt.

 

Le Conseil d'Etat est autorisé à contracter des emprunts, au nom de l'Etat de Genève, pour une somme pouvant atteindre 19 165 000 F, aux conditions du marché les plus avantageuses.

 

Article 8 : Autorisation d'emprunt.

 

Le Conseil d'Etat est autorisé à contracter des emprunts, au nom de l'Etat de Genève, pour une somme pouvant atteindre 8 000 000 F, aux conditions du marché les plus avantageuses.

 

Article 10 : Moins-value sur les frais d'études, travaux d'infrastructures et frais divers.

 

1. La cession de tout ou partie des frais d'études, travaux d'infrastructures et frais divers donne lieu à une moins-value comptable au maximum de 8 000 000 F résultant de la différence entre la valeur comptable et de cession.

 

2. Cette moins-value sera inscrite en tant que charge, au compte de fonctionnement.

 

Article 11 : Intérêts et frais d'emprunts

 

Le complément d'emprunt sous titre I, article 4, alinéa 2, ainsi que les lois d'emprunts mentionnées sous titre II, articles 6 et 8, généreront un montant global supplémentaire d'intérêts et de frais d'emprunts estimé à 2 700 000 F pour le budget 2001.

 

(Pièce n° 2)

 

Avant de procéder à la démonstration de la violation de l'article 97 Cst. Ge. par la loi 8438, il convient préliminairement, d'amener quelques précisions sur différentes notions.

 

Concernant les charges.

 

Il ne peut être contesté que les charges induisent automatiquement des dépenses d'un montant équivalent.

 

En fait, les charges ne sont que la désignation comptable d'une dépense.

 

Il est vrai, que dans le cadre d'une mauvaise gestion, il est possible d'activer les charges.

 

Mais, en l'espèce, il est certain, vu que les crédits prévus par la loi 8438 sont financés par des emprunts, que les créanciers, à l'exemple des banques, ne renonceront pas aux encaissements de leurs intérêts créanciers annuels.

 

Dès lors, les charges induites par la loi 8438 ne peuvent être que des dépenses.

 

 

Concernant les dépenses.

 

Le recourant distinguera les dépenses financées par l'emprunt, utilisées pour acquérir des actifs (immeubles), et les dépenses utilisées pour payer les charges financières engendrées par les emprunts effectués pour réaliser les buts de la loi 8438.

 

En effet, l'Etat Genève ne subit pas de perte financière lorsque des immeubles sont acquis via une dépense elle-même financée par des emprunts.

 

Il ne s'agit que d'une une simple transformation d'actif ne modifiant en rien l'état de fortune de l'Etat de Genève.

 

En conséquence, le recourant se référera qu'à des dépenses touchant le compte de fonctionnement de l'Etat.

 

Pour le recourant, la couverture financière des dépenses engendrées par la loi 8438 ne respecte pas l'article 97 Cst. Ge.

 

En effet, en analysant le volet financier de la loi 8438, rappelé ci-dessus, le recourant soutient que cette loi viole de façon manifeste et choquante les exigences de l'article 97 Cst. Ge.

 

Au vu des articles 4, 6 et 8 de la loi 8438, le Conseil d'Etat est autorisé à emprunter un montant total pouvant aller jusqu'à Frs 90'000'000.-.

 

Ce montant va générer, selon l'article 11 de la loi 8438, un montant d'intérêts et de frais d'emprunts global supplémentaire estimé à Frs 2'700'000 pour l'année 2001 seulement, soit un montant bien supérieur à Frs 60'000.- autorisé par les articles 96 et 97 Cst. Ge.

 

Or, force est de constater, que la loi 8438 ne propose aucune recette nouvelle correspondante pour couvrir ce montant de Frs 2'700'000.-

 

En fait, la seule indication concernant une couverture des charges financières en intérêts et en amortissements est donnée par l'article 4 alinéa 1 de la loi 8438 qui prévoit que ces charges sont à couvrir par l'impôt.

 

A la lettre, cette disposition respecte l'article 97 Cst. Ge. En effet, seul l'emprunt ne peut être considéré comme une couverture financière.

 

Cependant, le recourant soutient que l'article 4 alinéa 1 de la loi 8438, en ne stipulant que le terme "impôt" viole l'article 97 Cst Ge.

 

Rappelons que l'article 97 Cst Ge. Ge. a été conçu en relation avec l'article 96 Cst Ge.

 

Ces deux normes forment un ensemble conceptuel et doivent donc s'interpréter en tenant compte de l'une et l'autre.

 

Ainsi l'article 96 Cst Ge. oblige le Conseil d'Etat à présenter des dépenses nouvelles avec une recette correspondante.

 

Pour le rapporteur de la majorité du Grand Conseil de 1936, le terme couverture ne pouvait que correspondre à recette nouvelle.

 

En effet, il a déclaré que :

 

" C'est pourquoi, nous avons cru bon d'obliger le gouvernement à prévoir des recettes correspondantes lorsqu'il présente un projet de dépenses. Il y a cependant quelques dépenses de minime importance qui sont urgentes, jamais elles ne dépassent 30'000 francs. C'est pourquoi, on a admis la possibilité de proposer de telles dépenses sans couvertures financières si elles n'excèdent pas 30'000 francs. Il est bien entendu que cette disposition ne doit pas servir à permettre de proposer une dépense sans couverture en la fractionnant en plusieurs petites de moins de 30 000 francs."

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p. 890)

 

 D'autre part, le Grand Conseil a voulu que les recettes prévues en guise de couverture selon l'article 97 Cst. Ge. ne soient que des recettes nouvelles.

 

En effet, le député Perréard, Conseiller d'Etat de 1936 à 1957 au département de finances, membre influent de la commission chargée d'examiner l'initiative et qui a proposée les articles constitutionnels 96 et 97 Cst. Ge., a déclaré en s'exprimant au nom de la majorité du Grand Conseil :

 

" …

Nous disons que c'est au Conseil d'Etat, mieux placé que nous pour apprécier les possibilités de recettes, qu'il appartient de nous proposer sous sa propre responsabilité le montant maximum des dépenses, à inscrire au budget. Nous disons encore que le Grand Conseil ne pourra plus augmenter ce chiffre total des dépenses de l'Etat, il ne pourra plus que le réduire, ce qui sera d'ailleurs absolument conforme à son rôle de contrôleur de la gestion financière, ou de procéder à un aménagement différent des dépenses proposées et de voter des recettes supplémentaires correspondantes, qui seraient des impôts nouveaux. Et je ne vois pas en quoi, en examinant les choses sous cet angle, en quoi ce mode de faire violerait des règles du parlement et de la démocratie.

 

Il y a plus. Puisque nous demandons que le Grand Conseil ne fasse pas usage de la clause en matière d'impôts nouveaux, nous disons et nous voulons que le peuple soit admis à se prononcer en pleine liberté et en toute connaissance de cause, tant sur les dépenses nouvelles proposées par le Conseil d'Etat et acceptées par le Grand Conseil que sur les mesures destinées à en assurer la couverture. Nous respectons donc absolument les règles du libre jeu de la démocratie, nous rendons, nous laissons à chaque autorité l'exercice du pouvoir qui lui revient normalement."

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p. 895)

 

Au vu de ce qui précède, il convient d'admettre que le terme couverture ne peut que correspondre à des recettes nouvelles, soit, vu que l'activité de l'Etat est financée par l'impôt, à des impôts nouveaux.

 

D'autre part, et en toute logique, "l'impôt" utilisé dans l'article 4 alinéa 1 de la loi 8438 ne peut être compris comme impôt nouveau au sens de l'article 97 Cst Ge. Ge.

 

En effet, le budget de l'Etat prévoit les dépenses d'une année avec, pour les couvrir, un montant d'impôt correspondant.

 

Dès lors, si l'Etat a prévu un poste de budget pour des dépenses nouvelles, il aura également pris le soin de prévoir le financement de ces dépenses nouvelles.

 

En conséquence, si les dépenses amenées par la loi 8438 avaient été prévues dans le cadre du budget 2001 de l'Etat, force est d'admettre que sa couverture aurait été également prévue.

 

Or, en l'espèce, la loi 8438 ne fait pas référence à un poste de budget spécifique.

 

L'article 4 alinéa 2 précise seulement que le Conseil d'Etat est autorisé, en complément de l'autorisation d'emprunt figurant au chapitre V à l'article 13 de la loi du 15 décembre 2000 établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'année 2001, à emprunter la somme de Frs 62 835 000.-

 

Dès lors, il est évident que l'impôt servant de couverture aux frais financiers induite par le projet 8438 n'a pas été prévu par la loi de budget de l'année 2001 du canton de Genève.

 

En conclusion, il convient d'admettre que l'impôt prévu en couverture des frais financiers par la loi 8483 ne peut être, selon les articles 96 et 97 Cst Ge. et selon le budget 2001 qu'un impôt nouveau.

 

En droit, ce nouvel impôt est un impôt dit d'affectation ou de dotation, soit un impôt affecté à un but spécial.

 

Le Tribunal Fédéral impose des conditions particulièrement strictes en matière de contribution publique, et plus spécialement d'impôt. Il faut que la loi au sens formel, c'est-à-dire celle qui émane de l'autorité législative, détermine les éléments essentiels, notamment les conditions et la mesure, de la contribution à percevoir, une exception n'étant admise que pour les émoluments de chancellerie (ATF 100 Ia 60).

 

En l'espèce, force est de constater que le terme " impôt " ne correspond pas aux exigences déterminées par le Tribunal Fédéral.

 

Finalement, les travaux préparatoires du Grand Conseil démontrent également qu'il entendait que si l'impôt était possible pour couvrir une nouvelle dépense, ce nouvel impôt devait néanmoins être clairement défini.

 

En effet, rappelons encore une fois ce Monsieur Perréard, porte parole de la majorité, futur Conseil d'Etat aux finances, a déclaré :

 

"Nous disons encore que le Grand Conseil ne pourra plus augmenter ce chiffre total des dépenses de l'Etat, il ne pourra plus que le réduire, ce qui sera d'ailleurs absolument conforme à son rôle de contrôleur de la gestion financière, ou de procéder à un aménagement différent des dépenses proposées et de voter des recettes supplémentaires correspondantes, qui seraient des impôts nouveaux.

nous disons et nous voulons que le peuple soit admis à se prononcer en pleine liberté et en toute connaissance de cause, tant sur les dépenses nouvelles proposées par le Conseil d'Etat et acceptées par le Grand Conseil que sur les mesures destinées à en assurer la couverture

C'est, d'ailleurs ce que nous avons eu le courage de faire dans l'affaire Aire-Drize évoquée tout à l'heure par l'honorable rapporteur de la minorité et, ce faisant, nous avons procédé selon un principe absolument normal et correct du point de vue parlementaire.

Le Conseil proposait pour ces travaux une dépense considérable, le Grand Conseil l'a suivi, mais en votant pour couvrir celle-ci, des centimes additionnels correspondants. Au reste, la loi a fait l'objet d'un référendum, elle a été soumise au peuple qui l'a approuvée, acceptant ainsi cette charge nouvelle. Tout s'est passé d'une façon régulière en conformité de nos traditions démocratiques, le peuple ayant été appelé à se prononcer et l'ayant fait en pleine connaissance de cause. "

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p. 895)

 

 

La minorité de l'époque ne s'y est également pas trompé en déclarant :

 

"La majorité de la commission prétend dans son rapport que ce projet ne restreint en rien les prérogatives des députés. Il suffit d'étudier les articles 1 et 2 pour se convaincre, au contraire, que le dit contre-projet est néfaste puisqu'il aliène les droits des élus du peuple. Ce n'est ni plus ni moins qu'une muselière que la majorité se propose d'appliquer aujourd'hui à ce Grand Conseil."

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p. 893)

 

 

Monsieur Léon Nicole, Président du Conseil d'Etat genevois, a également soutenu, un nom du Conseil d'Etat que cette loi obligeait de prévoir des recettes correspondantes :

 

"C'est une entrave que l'on met au pouvoir législatif quand on déclare qu'une dépense de plus de 30.000 francs ne pourra pas être votée sans prévision de recettes correspondantes, comme lorsqu'on stipule qu'en cas de dépassement budgétaire, le Grand Conseil doit immédiatement voter une couverture financière."

 

(Pièce n° 2, Mémorial du Grand Conseil 1936, p. 898)

 

Au vu de ce qui précède, il est indubitable que le sens général du terme couverture de l'article 97 Cst. Ge ne peut être que compris comme une nouvelle recette circonstanciée.

Finalement, il paraît évident que la norme 97 Cst Ge. ne peut que prévoir que la couverture des dépenses doit être nouvelle et précise.

 

En effet, on ne peut soutenir que le but de cette norme est de renvoyer la description du financement de dépenses nouvelles à une autre loi à prendre dans le futur.

 

Car dans cette hypothèse, l'article 97 Cst Ge. est inutile car sa raison, celle d'éviter un endettement incontrôlé de l'Etat, n'est plus atteinte.

 

En effet, il suffit au Grand Conseil de voter toute une série de lois avec des dépenses et en guise de couverture de renvoyer à l'impôt.

 

In fine, quand il s'agira de trouver le financement de toutes les dépenses de ces lois, on pourra, éventuellement, constater que la dette de l'Etat s'est dramatiquement creusée effaçant ainsi le bénéfice d'une saine gestion recherché par les articles 96 et 97 Cst Ge.

 

Ainsi, il doit être retenu que le terme "impôt" de l'article 4 alinéa 1 de la loi 8438 ne peut être compris comme couverture au sens de l'article 97 Cst Ge. et que, dès lors, la loi 8438 viole la Constitution genevoise.

 

On peut cependant, par pure hypothèse de travail et nonobstant les développements concernant l'impôt, s'interroger, dans le cas extraordinaire où l'on considèrerait l'impôt comme une couverture, si l'article 4 alinéa 1 de la loi 8438 violerait l'article 97 Cst. Ge.

 

L'article 11 de la loi 8438 prévoit que le montant global des intérêts et des frais

d'emprunts s'élève à Frs 2 700 000, pour un montant global de Frs 90'000'000.-.

 

Pour la somme de Frs 62'835'000, le montant des intérêts, toute chose restant égale par ailleurs, peut être estimé à Frs 1'885'000.- soit le 69,80% de

Frs 2'700'000.-

 

Devant de tels montants prévus par une seule loi, il convient de s'interroger si les impôts de l'année 2001 dégagent des excédents tels qu'ils permettent effectivement de couvrir toutes les dépenses nouvelles induites par la loi 8438.

 

En effet, si les comptes de l'Etat sont bénéficiaires, et si l'on juge qu'il est possible de considérer l'impôt de l'année 2001 comme une couverture financière, il serait possible d'admettre que l'impôt couvre les dépenses nouvelles engendrées par la loi 8438.

 

Inversement, si les impôts 2001 ne couvrent pas les dépenses de l'année de l'Etat, il conviendrait d'admettre que l'impôt 2001 ne peut couvrir les dépenses nouvelles et qu'il serait nécessaire que le Grand Conseil genevois vote une nouvelle couverture des charges.

 

Cependant, force est de constater que le citoyen lambda genevois ne peut savoir, sans information expresse des autorités, si les comptes de fonctionnement l'Etat de Genève sont déficitaires ou bénéficiaires.

 

Or, il est notoire que le Canton de Genève ne brille pas par sa bonne santé financière.

 

Il est donc logique et légitime que les citoyens puissent avoir des doutes sur les capacités financières de leur Canton à couvrir par l'impôt de l'année 2001 les dépenses nouvelles engendrées par la loi 8438 et toutes les autres dépenses.

 

Devant cette incertitude, il était du devoir, toujours dans cette hypothèse de travail, des autorités genevoises de démontrer que l'excédent de l'impôt 2001 couvrait bel et bien les nouvelles dépenses.

 

Car, il ne peut être soutenu raisonnablement que l'excédent de l'impôt 2001 réussira, à priori, à couvrir toutes les dépenses nouvelles hors budget, acceptées tout le long d'une année par le Grand Conseil genevois.

 

Ainsi et pour rester dans cette logique contestable que l'impôt 2001 serait une recette nouvelle, force est de convenir que pour respecter la ratio legis de l'article 97 Cst. Ge., la loi 8438 aurait dû prévoir, à la suite de son article 4 alinéa 1, un complément permettant de déterminer, au citoyen genevois lambda, si l'impôt de l'année 2001 pouvait couvrir les dépenses nouvelles engendrées par cette loi au moment de son approbation par le Grand Conseil.

 

Dit autrement, les autorités genevoises ont, dans cette hypothèse de travail, l'obligation de présenter, lors de chaque nouvelle dépense soi-disant couverte par l'impôt 2001, la situation comptable claire et compréhensible du compte de fonctionnement de l'Etat, afin de démontrer qu'il n'existe pas d'obligation, fondée sur l'article 97 Cst. Ge., de prévoir de nouvelles recettes en plus de celui de l'impôt de l'année 2001.

 

C'est à cette seule et unique condition que la loi 8438 n'aurait pas violé la loi.

 

Or, dès lors que la loi 8438 n'a pas de telles explications, elle est inconstitutionnelle car violant l'article 97 Cst. Ge.

 

Rappelons cependant, que le montant de Frs 815'000.-, correspondant, pour la seule année 2001, aux charges des emprunts prévus aux articles 6 et 8 de loi 8438, par rapport au Frs 2'700'000 de l'article 11 de ladite loi, ne sont, eux, couverts pas aucune recette, ni impôt.

 

Il peut évidemment être rétorqué que le Conseil d'Etat ne va pas effectuer les emprunts des articles 6 et 8 et que dès lors, aucune dépense nouvelle et recette nouvelle en résulteraient.

 

Cependant, dans ce cas aussi, la loi 8438 ne donne aucune information sur ce cas de figure et doit donc être également considérée inconstitutionnelle sous cet aspect car ne donnant pas la possibilité au citoyen lambda de s'informer complètement sur les données d'un référendum demandé contre la loi 8438.

 

Finalement, il est frappant de constater que le montant de Frs 2'700'000.- semble exorbitant par rapport à celui des Frs 60'000.- et ne peut donc qu'amener à admettre que le Grand Conseil de l'époque aurait estimé, à coup sûr, que la loi 8438 devait indiquer de manière absolument évidente la source des nouvelles recettes permettant de couvrir cet énorme montant.

 

A ce titre également, la loi 8438 viole l'article 97 Cst.Ge.

 

Pour toutes les raisons ci-dessus invoquées, force est d'admettre que la loi 8438 viole l'article 97 Cst. Ge. et est donc nulle et sans effet.

 

 

Violation de l'article 53 de la Constitution Genevoise

 

L'article 53 de la Constitution genevoise dispose que les lois votées par le Grand Conseil sont soumises à la sanction du peuple lorsque le référendum est demandé par 7 000 électeurs au moins dans le cours des 40 jours qui suivent celui de la publication de ces lois.

 

Il est indubitable que les citoyens doivent, afin d'exercer pleinement leur droit au référendum, se déterminer en toute connaissance de cause.

 

Les autorités ne doivent ainsi présenter que des projets complets, sans avoir dissimulé ou rendu excessivement difficile, par omission, maladresse ou par volonté, l'accès ou la compréhension des données ou autres informations étroitement liées au projet de loi et nécessaires à la bonne et juste compréhension de ladite loi.

Ce n'est qu'à cette condition que le peuple, dans un premier temps, demandera ou non le référendum et que dans un deuxième temps, les citoyens appelés à choisir, pourront effectuer leur choix en toute connaissance de cause.

A contrario, il est évident qu'un projet de loi présenté au peuple ne peut contenir l'ensemble des informations, des données et des motivations politiques qui ont amené à l'élaboration d'une loi soumise au référendum.

 

Cependant, il convient de reconnaître que toutes les informations financières d'un projet de loi, qui introduit des dépenses et un nouvel impôt prévus par le budget de l'année, doivent explicitement accompagner ce type de loi.

 

Cette information devient une véritable obligation juridique si le législateur ne peut constitutionnellement accepter ce genre de loi qu'avec une couverture financière.

 

En effet, les citoyens, qui ont un droit évident à ce que la Constitution soit respecter, doivent pouvoir se déterminer sur une loi lors d'un référendum en étant sûr que toutes les informations idoines ont été fournies.

 

On l'a vu, l'article 97 Cst. Ge. Ge. instaure de véritables prérogatives en faveur des citoyens genevois.

 

Ces prérogatives impliquent, nécessairement et logiquement, que toutes les informations étroitement liées à ces droits doivent être présentées aux citoyens afin que ceux-ci puissent par le jeu du référendum, accepter les dépenses nouvelles et les recettes nouvelles de la loi soumise à ce référendum.

 

Ainsi, toute loi genevoise qui est soumise à l'article 97 Cst. Ge. doit, sous peine de violer l'article 53 Cst. Ge., présenter la couverture financière des dépenses nouvelles engendrée par la nouvelle loi.

 

Force est de reconnaître ainsi que c'est seulement à cette condition que les citoyens peuvent se faire une juste compréhension du projet de loi et jouir pleinement de l'exercice du droit au référendum de façon pleine et entière.

 

En l'espèce, la loi 8438, les différents rapports des commissions, notamment financières, et les délibérations du Grand Conseil genevois ne prévoient comme couverture que l'impôt.

 

Or, on l'a vu plus haut, le terme "impôt" de l'article 4 alinéa 1 de la loi 8438 ne suffit pas à couvrir les critères exigés par l'article 97 Cst. Ge.

 

D'autre part, force est de constater que les articles 6 et 8 de la loi 8438 qui autorisent le Conseil d'Etat à emprunter un montant total de Frs 27'165'000.- engendrant ainsi des charges pour l'année 2001 à un montant que l'on peut estimer à Frs 815.000.-, selon une répartition proportionnelle des Frs 2'700 000.- de l'article 11 de la loi 8438, ne prévoient simplement pas de couvertures financières et cela en violation flagrante de l'article 97 Cst. Ge.

 

Au vu de ce qui précède, force est d'admettre que les citoyens genevois n'ont pas pu se déterminer, car n'étant pas en possession de toutes les informations nécessaires à la formation de leur volonté sur les conséquences financières de la loi 8438, alors même que l'article 97 impose de prévoir des dépenses nouvelles circonstanciées.

 

Du coup ce manque d'informations, entraîne la violation de leur droit au référendum cantonal protégé par l'article 53 de la Cst Ge.

 

On peut cependant, par pure hypothèse de travail et nonobstant les considérations faites plus haut sur l'impôt, s'interroger, dans le cas extraordinaire où l'on considère l'impôt 2001 comme une couverture financière adéquate, si les citoyens genevois ont été convenablement informés et partant n'auraient pas souffert d'une violation de leur droit au référendum.

 

L'article 11 de la loi 8438 prévoit que le montant global des intérêts et des frais d'emprunts s'élève à Frs 2 700 000, pour un montant global de Frs 90'000'000.-.

 

Pour la somme de Frs 62'835'000, le montant des intérêts, toute chose restant égale par ailleurs, peut être estimé à Frs 1'885'000.- soit le 69,80% de

Frs 2'700'000.-

 

En oubliant toujours de bonne grâce, pour les besoins de la démonstration, que l'impôt de l'article 4 de la loi 8438 ne peut être considéré comme une couverture adéquate, il convient de s'interroger si les impôts de l'année 2001 dégagent des excédents tels qu'ils permettent effectivement de couvrir toutes les dépenses nouvelles de l'année 2001.

 

En effet, si les comptes de l'état sont bénéficiaires, et si l'on juge qu'il est possible de considérer l'impôt de l'année 2001 comme une couverture adéquate, il est possible d'admettre que l'impôt couvre les dépenses nouvelles engendrées par la loi 8438 et donc que les citoyens ont été convenablement informés.

 

Inversement, si les impôts 2001 ne couvrent pas les dépenses de l'année de l'Etat, il convient d'admettre alors que l'impôt 2001 ne peut couvrir les dépenses nouvelles et donc qu'il est nécessaire que le Grand Conseil genevois vote une nouvelle couverture de charges et que dès lors, les citoyens n'ont pas été convenablement informés.

 

Or, force est de constater, que le citoyen lambda genevois ne peut savoir, sans information expresse des autorités genevoises, si les comptes de fonctionnement de l'Etat de Genève sont déficitaires.

 

Il est cependant notoire que le Canton de Genève ne brille pas par sa bonne santé financière.

 

Il est donc logique et légitime que les citoyens puissent avoir des doutes sur les capacités financières de leur Canton à couvrir, par l'impôt de l'année 2001, les dépenses nouvelles engendrées par la loi 8438.

 

Devant cette incertitude, il était du devoir, toujours dans cette hypothèse de travail, des autorités genevoises de démontrer que l'impôt couvrait bel et bien ces nouvelles dépenses.

 

De plus, il ne peut être soutenu raisonnablement que l'impôt 2001 réussira, a priori, à couvrir toujours toutes les dépenses nouvelles hors budget, acceptées tout le long d'une année par le Grand Conseil genevois.

 

Ainsi et pour rester dans cette logique contestable que l'impôt serait une couverture financière, force est de convenir que pour respecter l'article 53 en relation avec l'article 97 Cst. Ge., la loi 8438 aurait dû prévoir, à la suite de son article 4 alinéa 1, un complément permettant de déterminer au citoyen genevois lambda si l'impôt de l'année 2001 pouvait couvrir les dépenses nouvelles engendrées par cette loi au moment de son approbation par le Grand Conseil.

 

Dit autrement, les autorités genevoises ont, dans cette hypothèse de travail, l'obligation de présenter, lors de chaque nouvelle dépense couverte par l'impôt de l'année 2001, la situation comptable claire et compréhensible du compte de fonctionnement de l'Etat, afin de démontrer qu'il n'existe pas d'obligations, fondées sur l'article 97 Cst.Ge, de prévoir d'autres couvertures financières que celle de l'impôt de l'année 2001.

 

C'est à cette seule et unique condition que la loi 8438 ne viole pas violé l'article 53 Cst.Ge en relation avec 97 Cst. Ge.

 

Par ailleurs, il est également frappant de constater que le montant de Frs 2'700'000.- est exorbitant par rapport à celui des Frs 60'000.- et ne peut qu'amener à admettre que les citoyens genevois doivent être correctement informés si de telles dépenses sont effectivement couvertes par l'impôt.

  

Monsieur Christo IVANOV

Annexes :

 

Pièce n° 1: - Copie Feuille d'avis Officielle du Canton de Genève du vendredi 6 juillet 2001..

 

Pièce n° 2: - Copie du Mémorial du Grand Conseil du canton genevois

des années 1935, 1936 et 1985.

 

Pièce n° 3: - Attestation de l'Office de la population.

 

Pièce n° 4 : - Lettre du Conseil d'Etat du 13 juin 2001.